« Celui qui a déplacé la montagne, c’est celui qui a commencé par enlever les petites pierres » (proverbe chinois)
Photo prise par Cristoune, dans la Creuse, sur le site naturel des « Pierres Jaumâtres », situées au sommet du mont Barlot, sur la commune de Toulx-Sainte-Croix. En fait, ce sont des amas granitiques comme on peut en rencontrer d’autres dans le département.
En pèlerinage à Chartres, Charles Péguy voit un type fatigué, suant, qui casse des cailloux.
Il s’approche de lui : » Qu’est-ce que vous faites Monsieur ? »
» Vous voyez bien, je casse des cailloux, c’est dur, j’ai mal au dos, j’ai soif, j’ai faim. Je fais un sous-métier, je suis un sous homme « .
Il continue et voit un peu plus loin un autre homme qui casse les cailloux ; lui n’a pas l’air mal. » Monsieur, qu’est-ce que vous faites ? »
» Eh bien, je gagne ma vie. Je casse des cailloux, je n’ai pas trouvé d’autre métier pour nourrir ma famille, je suis bien content d’avoir celui-là « .
Péguy poursuit son chemin et s’approche d’un troisième casseur de cailloux, qui est souriant et radieux : » Moi, Monsieur, dit-il, je bâtis une cathédrale. «
Le bonheur n’est pas un état, mais une aventure. Quand on a une cathédrale dans la tête, on ne casse pas les cailloux de la même manière…
» On a retrouvé chez eux [les hommes préhistoriques] des osselets et des cailloux ronds avec un peu de peinture dessus, près des restes des feux de bois où ils posaient leurs gamelles. Déjà leurs enfants étaient nombreux et très joueurs. Ils domestiquèrent même des petits chiens sauvages et des oursons, il y a plus de dix mille ans. Ils bricolaient des cailloux et des billes pendant que leurs parents taillaient des arcs. Mais comme ils étaient souvent tout nus, ils ne pouvaient pas les mettre dans leurs poches et ainsi ils les ont perdus. J’ai quand on retrouve ces objets d’un autre temps. »
» J’adore casser des cailloux, espérant toujours en eux un trésor, découvrir ce qu’ils ont à l’intérieur. Dans leur ventre. »
Extraits de « Rond comme un caillou en bois » de P. Cloux et F. Cinquin, aux éditions de « l’atelier du poisson soluble », petit cabinet des curiosités ouvrant le chemin aux déambulations de notre imaginaire…
C’est l’extase langoureuse,
C’est la fatigue amoureuse,
C’est tous les frissons des bois
Parmi l’étreinte des brises,
C’est, vers les ramures grises,
Le choeur des petites voix.
O le frêle et frais murmure!
Cela gazouille et susurre,
Cela ressemble au cri doux
Que l’herbe agitée expire…
Tu dirais, sous l’eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.
Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante,
C’est la nôtre, n’est-ce pas?
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s’exhale l’humble antenne
Par ce tiède soir, tout bas?
« un saule de cristal, un peuplier d’eau sombre,
un haut jet d’eau que le vent arque,
un arbre bien planté mais dansant,
un cheminement de rivière qui s’incurve,
avance, recule, fait un détour
et arrive toujours:
un cheminement calme
d’étoile ou de printemps sans hâte,
une eau aux paupières fermées
qui jaillit toute la nuit en prophéties,
unanime présence en houle,
vague après vague jusqu’à tout recouvrir,
verte souveraineté sans crépuscule
comme l’éblouissement des ailes
quand elles s’ouvrent dans le milieu du ciel,
un cheminement entre les épaisseurs
des jours futurs et du funeste
éclat du malheur comme un oiseau
pétrifiant la forêt par son chant
et les félicités imminentes
entre les branches qui s’évanouissent,
heures de lumière que grignotent déjà les oiseaux,
présages qui s’échappent de la main,
une présence comme un chant soudain,
comme le vent chantant dans l’incendie,
un regard qui retient en suspend
le monde avec ses mers et ses montagnes,
corps de lumière filtré par une agate,
jambes de lumière, ventre de lumière, baies,
roche solaire, corps couleur de nuage,
couleur du jour rapide qui bondit,
l’heure scintille et prend corps,
le monde, oui, il est visible par ton corps,
il est transparent grâce à ta transparence, (…) »
»l’instinct, c’est comme cet oiseau qui mourait de soif et qui a pu boire l’eau de la cruche en jetant des cailloux dedans. «
James Joyce, Ulysse (1922)
Signe de bienvenue de Tafraout, capitale marocaine du caillou. Rendez-vous donc sur le chouette blog entièrement dédié à cette ville nichée au creux des montagnes de granite rose. Vous serez amenés à y découvrir, entre autres, un rocher haut et incliné dit « Chapeau de Napoléon », les rochers peints d’Awmerkt, des cailloux à forme humaine ou animales, des gravures rupestres, un caillou qui dort… Chiche, on part en vacances ? Petite balade à Tafraout par ici…
« Il paraît que les cailloux possèdent un pouvoir hypnotique qui leur permet de se déplacer : quand un caillou veut changer d’endroit, il attend que quelqu’un passe, il l’hypnotise, le passant le ramasse et l’emporte ailleurs. »Goria
Et quand un caillou veut traverser la mare, il attend que passe une grenouille…